TENSEURS EUCLIDIENS
1. Tenseur
2.1. Sommation sur plusieurs indices
2.2. Symbole de Kronecker
2.3. Symbole d'antisymétrie
3.1. Déterminant de Gram
4. Composantes contravariantes et covariantes
5.1. Méthode d'orthogonalisaiton de Schmidt
5.2. Changements de bases
5.3. Bases réciproques
6.1. Tenseur fondamental
6.2. Produit tensoriel de deux vecteurs
6.3. Espaces tensoriels
6.4. Combinaisons linéaires de tenseurs
6.5. Contraction des indices
7.1. Tenseur symétrique
7.2. Tenseur antisymétrique
7.3. Tenseur fondamental
8.1. Repère naturel en coordonnées sphériques
8.2. Repère naturel en coordonnées polaires
8.3. Repère naturel en coordonnées cylindriques
10.1. Identité de Ricci
11. Tenseur de Riemann-Christoffel
11.1. Première identité de Bianchi
12. Tenseur de Ricci
13. Tenseur d'Einstein
La généralisation de la notion de vecteur nous a conduits à l'étude
des espaces vectoriels à dimensions.
Les tenseurs sont également des vecteurs de dimension quelconque
mais qui possèdent des propriétés supplémentaires par rapport aux
vecteurs.
Pour le physicien théoricien, le calcul tensoriel s'intéresse en premier lieu à la manière dont les composantes des tenseurs se transforment lors d'un changement de base des espaces vectoriels dont ils sont issus. Nous commencerons donc à étudier ces propriétés vis-à-vis des changements de base (car c'est le cas le plus intéressant).
Un tenseur est, en pratique, souvent uniquement défini et utilisé sous la forme de ses composantes. Ces dernières peuvent être exprimées sous forme covariante ou contravariante comme pour tout vecteur. Mais un nouveau type de composantes va apparaître pour les tenseurs, ce sont les "composantes mixtes". Ces trois types de composantes constituent des décompositions des tenseurs euclidiens sur des bases différentes.
TENSEUR FONDAMENTAL
Au cours de la théorie vu précédemment, nous avons utilisé les
quantités ,
définies à partir du produit scalaire des vecteurs de base
d'un
espace vectoriel pré-euclidien
à n dimensions,
par:
(14.127)
Ces quantités
constituent les composantes covariantes d'un tenseur appelé le "tenseur
fondamental" ou "tenseur
métrique".
Etudions comment varient les quantités lorsque
nous effectuons un changement de base :
Soit une
autre base liée à la précédente par les relations connues:
et
(14.128)
Substituant la relation dans
l'expression de
,
il vient (nous changeons les indices comme il se doit lors d'une
substitution):
(14.129)
Dans la nouvelle base ,
les produits scalaires des vecteurs de base sont donc des quantités
telles que:
(14.130)
Nous avons donc finalement pour l'expression des composantes covariantes lors
d'un changement de base:
(14.131)
Identiquement nous avons :
(14.132)
De manière générale, une suite de quantités
qui
se transforment, lors d'un changement de base de
,
selon les deux relations précédentes, à savoir:
et
(14.133)
constituent, par définition, les "composantes
covariantes d'un tenseur d'ordre deux" (à deux indices)
sur .
Nous pouvons ainsi manipuler des quantités exprimant les propriétés intrinsèques des bases comme des tenseurs normaux !
PRODUIT TENSORIEL DE DEUX VECTEURS
Considérons un espace vectoriel euclidien de
base
et
soient deux vecteurs de
:
et
(14.134)
Formons les produits deux à deux des composantes contravariantes et
,
soit:
(14.135)
Nous obtenons ainsi quantités,
si les deux vecteurs ont le même nombre de composantes, qui constituent également
les composantes contravariantes d'un tenseur d'ordre deux appelé le "produit
tensoriel" du vecteur
par
le vecteur
.
Par exemple pour de
dimension 2 et
de
dimension 3 nous avons:
(14.136)
Nous
pouvons bien évidemment construire des produits tensoriels d'ordre
trois (donc avec termes)
tels que :
(14.137)
etc...
Etudions les propriétés de changement de base de ces composantes. Utilisons pour cela les relations de changement de base des composantes contravariantes d'un vecteur, à savoir:
et
(14.138)
Remplaçons dans la relation les
composantes
et
par
leur expression de changement de base, il vient:
(14.139)
Les quantités sont
les nouvelles composantes:
(14.140)
La formule de transformation des quantités
lors
d'un changement de base de
est
donc finalement (très similaire au tenseur métrique):
(14.141)
Une telle relation de changement de base caractérise les composantes contravariantes d'un tenseur d'ordre deux. Inversement, nous obtenons :
(14.142)
Les quantités
constituent
donc les "composantes contravariantes
d'un tenseur d'ordre deux".
Nous pouvons former de même les produits deux à deux des composantes
covariantes et
des
vecteurs
et
soit:
(14.143)
Les formules de changement de base des composantes covariantes des vecteurs sont données par les relations suivantes que nous avons déjà démontrées précédemment:
et
(14.144)
Substituant la première relation dans le produit ,
il vient:
(14.145)
C'est la relation de changement de base des composantes covariantes d'un tenseur d'ordre deux. On vérifie que l'on a:
(14.146)
Identiquement nous avons bien évidemment: puisque
.
Les quantités
constituent
donc les "composantes covariantes d'un
tenseur d'ordre deux".
Formons à présent quantités
en multipliant deux à deux les composantes covariantes du vecteur
par
les composantes contravariantes de
,
nous obtenons :
(14.147)
Effectuons un changement de base dans cette dernière relation
en tenant compte des expressions et
,
on obtient:
(14.148)
Cette relation de changement de base caractérise les "composantes mixtes" d'un tenseur d'ordre deux. Inversement, on peut vérifier que l'on a:
(14.149)
Ces composantes mixtes constituent également des composantes du
produit tensoriel de par
,
selon une certaines base.
De manière générale, une suite de quantités
qui
se transforment, lors d'un changement de base de
,
selon les relations établies juste précédemment constituent donc,
par définition, les "composantes mixtes
d'un tenseur d'ordre deux".
ESPACES TENSORIELS
Au cours de l'étude précédente, nous avons utilisé des systèmes
de nombres,
crées à partir d'un espace vectoriel
.
Lorsque ces nombres vérifient certaines relations de changement
de base, nous avons appelé ces grandeurs, par définition, les "composantes
d'un tenseur".
Nous avons vu que toute combinaison linéaire de ces composantes constitue les composantes d'autres tenseurs. Nous pouvons donc additionner entre elles les composantes des tenseurs ainsi que les multiplier par des scalaires, pour obtenir d'autres composantes de tenseurs. Ces propriétés d'addition et de multiplication font que nous allons pouvoir utiliser ces grandeurs tensorielles comme composantes de vecteurs.
D'un point de vue pratique, nous pourrions nous contenter de définir les tenseurs à partir des relations de transformation de leurs composantes lors d'un changement de base. C'est ce qui est souvent fait en physique. Cependant, la définition des tenseurs sous forme de vecteurs conduit à une meilleure compréhension de leurs propriétés et les rattache à la théorie générale des vecteurs.
Pour préciser comment nous définissons un tenseur sur une base, étudions
le cas particulier d'un produit tensoriel de deux vecteurs constitués
par des triplets de nombres. Considérons l'espace vectoriel euclidien dont
les vecteurs sont des triplets de nombre de la forme:
.
La base orthonormée canonique de
est
formée de trois vecteurs :
(14.150)
avec (jolie
façon d'écrire la chose n'est-il pas...).
Des vecteurs de permettent
de former les neuf quantités
que
nous avons appelées les "composantes
du produit tensoriel" des vecteurs
et
.
Si nous effectuons tous les produits tensoriels possibles entre
vecteurs de ,
nous obtenons des suites de neuf nombres qui peuvent servir à définir
le vecteur suivant :
(14.151)
Nous nous retrouvons alors avec des éléments d'un espace vectoriel à neuf
dimensions, ayant pour éléments tous les multiplets formés de neuf
nombres.
Ces vecteurs peuvent être décomposés, par exemple, sur une base canonique orthonormée :
(14.152)
avec .
Si nous renumérotons les quantités selon
la place qu'elle occupent dans l'expression de
,
soit:
(14.153)
avec et
,
les vecteurs
s'écrivent
alors:
(14.154)
et constituent un exemple de tenseur d'ordre deux (évidemment on peut généraliser la démarche).
En quoi ces tenseurs diffèrent-ils
des vecteurs ordinaires ? Ils sont certes identiques à certains
vecteurs de
mais
ils ont été formés à partir des vecteurs de
et
de
.
Pour rappeler ce fait, nous les notons :
(14.155)
et ils sont appelés "produits tensoriels
d'ordre deux" des vecteurs et
.
Le symbole
est
donc défini de la manière dont nous avons formé les quantités
et
l'ordre dans lequel nous les avons classées pour former le vecteur
.
Pour rappeler la dépendance entre une quantité et
le vecteur de base
auquel
il est affecté, renumérotons ces vecteurs en mettant à la place
de l'indice k les deux indices i et j,
relatifs aux composantes, soit:
(14.156)
Ce dernier peut très bien être noté sous la forme:
(14.157)
Les vecteurs constituent
donc une base de
qui
est appelée la "base associée".
Nous rappelons également que le produit tensoriel est non-commutatif (il est vraiment important de s'en rappeler)! Autrement dit :
(14.158)
Les relations précédentes nous permettent finalement d'écrire
le produit tensoriel des vecteurs et
sous
la forme:
(14.159)
L'espace vectoriel est
doté d'une structure plus précise que celle de simple espace vectoriel
de dimension neuf lorsque nous définissons les produits tensoriels
comme
constituant la base de
.
Nous disons que
est
doté d'une "structure de produit tensoriel" ce
qui nous amène à noter cet espace
ou
encore
.
En tant qu'élément d'un espace ,
un tenseur
est
un vecteur de la forme générale:
(14.160)
Etudions ses propriétés vis-à-vis d'un changement de base de tel
que:
et
(14.161)
Lors d'un tel changement, la base associée à
devient
une autre base
associée à
, à savoir:
(14.162)
Par suite, le produit tensoriel a
pour composantes dans la nouvelle base:
(14.163)
Soit donc :
(14.164)
Nous avons les propriétés suivantes pour le produit tensoriel:
P1. Distributivité, à gauche et à droite, par rapport à l'addition des vecteurs :
(14.165)
La démonstration de ces propriétés découle simplement de la définition du produit tensoriel. Nous avons par exemple :
(14.166)
P2. Associativité avec la multiplication par une grandeur scalaire :
(14.167)
Nous avons en effet :
(14.168)
P3. Lorsque nous choisissons une base dans chacun des espaces
vectoriels pour
,
pour
,
les
éléments
de
que
nous notons
forment également
une base de
.
Démonstration:
Déjà faite dans l'exemple particulier que nous avons utilisé au début.
C.Q.F.D.

Nous pouvons bien évidemment généraliser le produit tensoriel à un
nombre quelconque de vecteurs. De proche en proche, compte tenu
de la propriété P1, nous pouvons considérer vecteurs
appartenant
chacun à des espaces vectoriels différents
.
Si nous avons :
(14.169)
nous pouvons former le produit tensoriel :
(14.170)
avec .
Nous construisons ainsi des produits tensoriels d'ordre p appartenant à l'espace
vectoriel ,
espace qui est muni d'une structure de produit tensoriel. Les éléments
de cet espace constituent par définition des tenseurs d'ordre p.
Afin d'unifier la classification, les espace vectoriels élémentaires, qui ne peuvent êtres munis d'une structure de produit tensoriel, peuvent êtres considérés comme ayant pour éléments des tenseurs d'ordre un. En général, nous appelons ces éléments des "vecteurs", réservant le nom de "tenseurs" à des éléments d'espaces tensoriels d'ordre égal ou supérieur à deux !
Il est assez évident et nous ne ferons pas la démonstration (excepté s'il y a une demande) que nous pouvons redéfinir absolument tous les concepts (base, décomposition sur une base, base réciproque, produit scalaire, produit tensoriel) que nous avons vu jusqu'à maintenant en considérant les tenseurs d'ordre deux comme des vecteurs (il faudrait donc que nous réécrivions tout ce qui est déjà écrit ci-dessus... ce qui est inutile).
Il est aussi tout à fait possible de réitérer toutes ces définitions pour des tenseurs d'ordre supérieurs et ainsi généraliser le concept d'espace tensoriel pour toutes les dimensions.
De ces considérations, nous pouvons énoncer le "critère de tensorialité":
Pour qu'une suite de quantités,
rapportées à une base d'un espace vectoriel
,
puisse être considérée comme les composantes d'un tenseur,
il faut et il suffit que ces quantités soit liées entre elles,
dans deux bases différentes de
,
par les relations de transformation des composantes.
Exemple:
Un vecteur peut se représenter dans un base quelconque par une suite de n composantes. Cependant, nous ne pouvons pas conclure que n'importe quelle suite de n chiffres constitue un vecteur. En effet, lorsque nous nous plaçons dans une autre base de l'espace, les composantes doivent changer également, pour représenter le même objet: nous disons alors que le vecteur est un objet intrinsèque (dont l'existence ne dépend pas du choix du repère). Il reste alors à savoir qu'un vecteur est un tenseur d'ordre 1.
COMBINAISONS LINÉAIRES DE TENSEURS
Nous pouvons former d'autres tenseurs en combinant entre elles
les composantes de différents produits tensoriels définis à l'aide
des vecteurs d'un même espace vectoriel. Considérons par exemple
les composantes contravariantes des produits tensoriels des
vecteurs et
:
(14.171)
Formons les quantités suivantes:
(14.172)
Les quantités
vérifient également
les formules générales de changement de base. Nous avons en
effet, en substituant les relations de transformation des composantes
contravariantes d'un produit tensoriel dans l'expression précédente
:
(14.173)
Les quantités
de
,
vérifiant la relation de changement de base, constituent donc également
des composantes contravariantes d'un tenseur d'ordre deux.
CONTRACTION DES INDICES
Considérons le produit tensoriel mixte de deux vecteurs et
de
composantes respectives contravariantes
et
covariantes
.
Les composantes mixtes du produit tensoriel
de
ces deux vecteurs, sont:
(14.174)
Effectuons l'addition des différentes composantes du tenseur telle
que
,
soit:
(14.175)
Nous obtenons ainsi l'expression du produit scalaire des vecteurs et
;
la quantité
est
un scalaire ou tenseur d'ordre zéro. Une telle addition sur
des indices de variance différente constitue, par définition,
l'opération de "contraction des
indices" du tenseur
.
Cette opération a permis de passer d'un tenseur d'ordre deux à un
tenseur d'ordre zéro; le tenseur
a été amputé d'une
covariance et d'une contravariance.
Prenons également l'exemple d'un tenseur dont
les composantes mixtes sont
(attention...
il ne s'agit pas d'une matrice tridimensionnelle mais simplement
de l'indication que les composantes de ce tenseurs s'expriment à partir
de trois autres variables). Considérons certaines de ses composantes
telles que
, à savoir
les quantités
et
effectuons l'addition de ces dernières; nous obtenons:
(14.176)
Ces nouvelles quantités forment
les composantes d'un tenseur
d'ordre
un (donc un vecteur). Les quantités
constituent
des "composantes contractées" du
tenseur
et
satisfont bien évidemment aux relations de changement de base
(sur demande nous pouvons faire la démonstration mais sachez
qu'elle est similaire à celle que nous avions faite pour les
vecteurs). Nous sommes ainsi passé d'un tenseur d'ordre trois à un
tenseur d'ordre un.
Si nous partons de l'expression des composantes contravariantes
ou covariantes d'un tenseur, nous pouvons abaisser l'un des
indices par multiplication de ou
(métrique
diagonale unitaire et à signature positive : de type canonique) et
sommation, afin d'obtenir des composantes mixtes sur lesquelles
nous pouvons ensuite effectuer les opérations de contraction.
Considérons un tenseur euclidien de
composantes contravariantes
.
Ecrivons les composantes mixtes de
en
abaissant à la position covariante l'indice
(cela
revient donc à exprimer les composantes d'un des vecteurs implicites
en composantes covariantes). Alors:
(14.177)
Effectivement, rappelons que :
(14.178)
Maintenant que nous avons un tenseur à composantes, mixtes,
nous pouvons très bien contracter les indices. Choisissons
par exemple l'indice et
effectuons la contraction avec l'indice
,
posons
(nous
nous intéressons alors plus qu'à certains termes particuliers),
il vient:
(14.179)
Nous obtenons donc après abaissement de l'indice et contraction,
un tenseur d'ordre .



(14.180)
De manière générale, la contraction d'un tenseur permet donc
de former un tenseur d'ordre à partir
d'un tenseur d'ordre p. Nous pouvons naturellement
répéter l'opération de contraction. Ainsi, un tenseur pair,
2p, deviendra un scalaire après p contractions
et un tenseur d'ordre impair,
,
deviendra un vecteur.
Nous pouvons étendre après cette définition de la contraction des indices, le critère de tensorialité. Nous avons vu jusqu'à maintenant, deux manières de reconnaître le caractère tensoriel d'une suite de quantités :
- la première consiste à démontrer que ces quantités sont formées par le produit tensoriel de composantes de vecteurs ou par une somme de produits tensoriel
- le deuxième consiste à étudier la manière dont ces quantités se transforment lors d'un changement de base et à vérifier la conformité des relations de transformation.
- la troisième et nouvelle amène à poser que pour qu'un ensemble
de quantités,
comportant p indices supérieurs et q indices
inférieurs soit tensoriel, il faut et il suffit que leur produit
complètement contracté par les composantes contravariantes
de p vecteurs quelconques et les composantes
covariantes de q vecteurs quelconques, soit une
quantité (la norme au fait...) qui demeure invariante par changement
de base.
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